Les Quatre saisons d'Espigoule : le film

 
 
Dans les années 90, Christian Philibert, jeune réalisateur varois, a décidé de donner tort aux professionnels de la profession qui ne lui prévoyaient aucun succès s'il restait sur ses terres provinciales. De son irréductible passion pour son pays Christian Philibert a fait naître une série de petits courts-métrages intitulée « La Minute d' Espigoule ». Il y filmait la vie de ses voisins, de ses amis avec bienveillance et humour. Cette constitution d'archives filmées sur son village natal l'a aiguillé sur un projet de long métrage à la limite de la fiction et de la réalité. Ce sera « Les Quatre Saisons d' Espigoule ». Ne cherchez pas le village sur une carte, il n'existe pas. Du moins il n'existait pas avant d'être né de l'expérience filmée que le réalisateur a partagé avec ses acteurs. Sa caméra accompagne les villageois dans leur vie quotidienne et promène en même temps le regard tendre de grand enfant de Christian Philibert sur leur extravagance, leur bonhomie ou leur mauvaise foi. Aux menteurs invétérés, la vie apparaît comme une fiction et Philibert nous conte la vie de son village. Espigoule devient un monde de l'enfance éternelle sans douleur ni violence mais où règnent le rire, le jeu et le bonheur. 
La fraîcheur du film est contenue dans des dialogues désopilants tout comme dans la musique poétique, gaie et entraînante de Michel Korb. La référence à l'enfance est là encore présente. La musique du film nous fait partir pour un tour de chevaux de bois sans complexe, à l'image d'un des passages du film où un enfant regarde le monde qui l'entoure depuis la nacelle du manège qu'il occupe.
 
Loin de se moquer de ses personnages, le réalisateur est parvenu à nous faire aimer son village et ses habitants.  Même si on rit (et on rit beaucoup) de leurs travers somme toute très humains, on ne rit pas d'eux mais avec eux. Après avoir vu le film, on ressort gai et léger: « un changement total de la vision de l'humanité ».

 

10 ans. Il aura fallu à peu près 10 ans pour que Christian Philibert récolte et traite suffisamment de matériau pour construire « Les Quatre Saisons d' Espigoule ». Et nous voilà 10 ans après, préparant la célébration de cet anniversaire un peu particulier: les 10 ans de la sortie du film. Pourquoi fêter un film ? L'idée peut sembler curieuse. Mais à y regarder de plus près, ce film a eu une résonance particulière depuis sa sortie. Tout d'abord, rappelons qu'en mars 1999, mis à part quelques lève-tôt qui avaient pu voir « La Minute d' Espigoule » sur Canal +, personne ne connaissait ce village et son réalisateur. Pourtant, très vite, le film reçut un accueil des plus chaleureux dans les festivals et gagna même trois Prix du Public dans l'indifférence dédaigneuse de la critique branchée. A sa sortie, le film ne laissa pas indifférent les médias. Ce faux documentaire était un ovni cinématographique. De parfaits inconnus filmés sur un an dans un village « au trou du cul de la Provence » dynamitaient les codes de la comédie. Le magazine de cinéma Première reconnut avec d'autres la fraîcheur du style du film ainsi que le bonheur de se laisser entraîner dans l'univers enfantin de ses personnages.

Mais le vrai succès, c'est auprès du public qu'il faut le mesurer. Malgré une diffusion modeste, le film a été vu par de nombreux spectateurs et a été très rapidement considéré par certains comme un film-culte. Les personnages drôles et touchants montrés par Christian Philibert avaient réussi à gagner le coeur de nombreuses personnes à travers la France. L'engouement suscité par le film a emmené les participants à cette aventure à travers la France et notamment au Festival de Cannes.

 

La population entière du village s'est retrouvée elle aussi embarquée dans cette aventure et considère aujourd'hui le film comme la mémoire glorifiée du village. Le panneau Espigoule trône à l'entrée du village. Il jouxte celui arborant le nom véritable de l'endroit, non pas comme un souvenir de l'aventure du film mais plutôt comme une nouvelle identité revendiquée devant le reste du monde. Mais cette appartenance ne se limite pas aux villageois du film. De nombreux spectateurs sont tombés amoureux de l'univers de Christian Philibert et se sentent eux aussi Espigoulais de coeur. Quant au réalisateur, il garde toujours ce village bien au chaud dans son coeur; les années ont passé et malgré les affres du temps, les déceptions et les fâcheries, il reste l'instigateur d'une aventure humaine exceptionnelle qui a uni les habitants d'un village autour d'un magnifique mensonge: Espigoule.



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